La MIACA, une politique volontariste d’aménagement et de protection du littoral aquitain
Dernière mise à jour : 4 septembre 2023
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Un projet d’aménagement et de protection du littoral aquitain
L’image du littoral landais est profondément liée aux grands espaces de nature préservés, que ce soit la longue dune côtière que l’immense pinède parcourue par ses courants et interrompue, de temps en temps par les étendues lacustres. Cette richesse semble aller de soi, comme si l’échelle géographique exceptionnelle de ces milieux et de ces paysages suffisait à préserver leur intégrité, pouvait réduire à néant la pression économique touristique.
- Carte schématique de la côte aquitaine indiquant les UPA (Unités Principales d’Aménagement) et les SEN (Secteur d’Equilibre Naturel)
- Source : Le Littoral Aquitain, paysage architecture, édité par la DREAL Aquitaine
En réalité, l’organisation du littoral et la partition entre secteurs urbanisés et secteurs naturels est le résultat d’un projet politique, engagé par l’Etat et relayé par les collectivités territoriales. C’est un projet ancien qui est intervenu au cours des décennies 60 et 80. Préoccupé par les effets du développement spontané du tourisme estival sur les côtes, l’Etat avait créé la Mission Interministérielle d’Aménagement Touristique du Languedoc, au tout début des années 1960. Quelques années plus tard, sur ce modèle du littoral méditerranéen, est créée, par décret en date du 20 octobre 1967, la Mission Interministérielle d’Aménagement de la Côte Aquitaine (MIACA). Le champ d’action de la MIACA portait sur les 3 départements, Gironde, Landes et Pyrénées-Atlantiques.
L’objectif était de doter le territoire des équipements touristiques nécessaires tout en lui donnant, d’une part, une image de marque originale fondée sur la conjonction de l’océan, de la forêt et des lacs, et d’autre part, en lui conservant son équilibre écologique et humain. Ces objectifs a priori contradictoires de développement et de préservation étaient traduits par un schéma d’aménagement de la côte. Dans le département des Landes, avaient été retenues 3 unités principales d’aménagement (UPA) sur les 9 programmées sur l’ensemble du littoral. Ces unités, qui devaient se greffer sur des installations déjà existantes, représentaient des emprises foncières importantes : au nord, le secteur de Biscarrosse, au centre, l’unité se développait d’Aureilhan à Lit-et-Mixe, et la dernière, de Vieux-Boucau à Capbreton. Ces nouvelles stations touristiques, étaient programmées sous forme de ZAC (zone d’aménagement concertée), suivies par un architecte en chef désigné et rémunéré par la MIACA, mais dont les maîtres d’ouvrage étaient les collectivités locales. Elles étaient séparées les unes des autres par les secteurs d’équilibre naturels (SEN). Dans ces secteurs de coupure d’urbanisation, des mesures de protection des espaces naturels étaient mises en place, dont la création de réserves naturelles et la protection des paysages, avec des sites classés ponctuels et la création de deux grands sites inscrits.
Ce résumé rapide d’une longue aventure permet de rappeler comment s’est élaboré l’aménagement de la côte Aquitaine, combien d’années, d’acteurs et d’efforts financiers ont été nécessaires pour conserver au littoral landais, cette image de nature préservée, de grands espaces, de tourisme « vert » au bord de l’océan. C’est important de le rappeler. En effet, concernant les enjeux de paysage, dans une dynamique d’aménagement et de consommation d’espace, on oublie toujours ce qui aurait pu advenir en l’absence de programmation rigoureuse, on oublie les efforts déployés pour infléchir un développement « au fil de l’eau », ou au gré des opportunités, vers un développement organisé et concerté, fondé sur la maîtrise et la préservation foncière.
Deux autres points particuliers sont à préciser. D’une part, la MIACA a confirmé la vocation sociale du tourisme sur la côte Aquitaine. Ainsi le Comité Interministériel de l’Aménagement du territoire (CIAT) demandait en 1976 que 30 % des hébergements créés soit à vocation sociale, ce qui conditionnera certaines formes urbaines denses, et parallèlement il soutenait la création de campings de qualité, propres aux sites boisés et dunaires, via un plan camping, en accompagnant les investissements à hauteur de 50%. D’autre part, la MIACA ne se limitait pas à l’aménagement du littoral, elle a participé activement à la création du Parc Naturel régional des Landes de Gascogne et à la mise en œuvre de l’écomusée de la Grande Lande à Marquèze.
Précisons qu’à partir de 1985, la MIACA deviendra une compétence régionale.
Aujourd’hui, quels sont les paysages que la MIACA nous a légués ?
Les plus importants paysages en terme d’emprise sont les coupures d’urbanisations entre les différentes antennes littorales, les secteurs d’équilibre naturels (SEN) qui ont permis de préserver de l’urbanisation des dizaines de kilomètres de plages, de dunes et de forêts, dont la permanence semble évidente et la pérennité acquise.
Un autre leg moins visible mais essentiel sur le plan environnemental est l’important investissement qui a été fait sur le réseau viaire mais surtout sur le réseau d’assainissement dimensionné pour ces développements futurs.
Comme évoqué précédemment, les projets étaient élaborés dans le cadre de ZAC ce qui favorisait une approche globale. Les ZAC ne définissaient pas seulement l’offre résidentielle, elles projetaient les commerces, les équipements sportifs ou de loisirs, les liaisons inter-quartiers. Les vicissitudes liées au temps long d’élaboration ont quelquefois réduit à la baisse les ambitions de départ. Ces extensions différaient selon les lieux par leur forme urbaine et leurs architectures. Par exemple, les différences sont grandes entre le quartier Notre-Dame à Capbreton, en rive droite du Boudigau, le Port d’Albret à Vieux-Boucau qui se distribue autour du lac marin ou les quartiers sous les pins du golf à Moliets-et-Maâ.
L’exemple de l’UPA 9, les ZAC de Port d’Albret sur les communes de Vieux-Boucau et de Soustons.
Le projet consistait à créer une nouvelle station touristique organisée autour de la remise en eau d’une dépression naturelle, autrefois estuaire de l’Adour, à proximité immédiate du centre bourg de Vieux-Boucau. Opération de grande envergure, elle comprenait plusieurs phases d’aménagement, dont certaines n’aboutiront pas. Dès l’origine, l’architecte en chef de l’IUPA avait suggéré l’idée du plan d’eau, « l’atlantique à l’abri des vagues », de la promenade piétonne autour du lac et du contournement de la station par les voitures. Il souhaitait valoriser le tourisme social, défendre la non-appropriation des rives du lac en s’appuyant sur le rôle fédérateur de l’espace public.
Le succès a été au rendez-vous, les Landes sont devenues une destination très prisée, où l’on peut encore choisir entre la toute petite antenne littorale au bout de la route au milieu des pins, la tente au bord du lac ou bien la résidence confortable entre golf et océan, complétée par tous les niveaux de services.
Aujourd’hui, si les principes d’aménagement, qui prônaient la densité et réservaient de jolis parcours aux piétons restent d’actualité, à l’inverse, certains ensembles bâtis font un peu usés, voir démodés, avec des espaces publics très minéraux, des courants canalisés et des parkings incongrus au ras de la dune. Ce sont là les marques du temps, qui semblent réparables ou remédiables.
Réjouissons-nous de l’immensité du littoral préservé, révisons les principes à l’origine de ces travaux et n’oublions jamais les efforts consentis pour éviter la banalisation d’un paysage pour les générations futures.
Et laissons le mot de la fin au premier président de la MIACA, Philippe Saint-Marc, dont le plan d’aménagement, jugé trop idéaliste par les élus et les acteurs locaux ne sera pas approuvé, mais dont le message vieux de cinquante ans trouve un écho dans nos préoccupations environnementales :
« Il faut que nous nous disions que depuis que l’homme est apparu sur la terre, jusqu’à maintenant, nous avons vécu sur une certaine conception : la conception que la nature était un bien gratuit, illimité, éternel. Il faut que nous nous disions au contraire maintenant et pendant tout le temps où l’humanité durera sur la terre, que la nature devient un bien rare, que c’est un bien qu’il faudra payer, payer de plus en plus cher si nous voulons le conserver, c’est un bien qui risque d’être temporaire et temporaire comme nous, c’est à dire que nous disparaîtrons avec lui. C’est donc un bien essentiel et par conséquent, il doit être le bien de tous. » Extrait du livre Socialisation de la Nature, éditions Stock, 1971
Sources
– Le Littoral Aquitain, paysage architecture, DREAL Aquitaine. Ouvrage collectif faisant suite à des études réalisées par le CAUE des Landes, la DREAL et les cabinets d’architectes Guenin-Girard-Cazaux et Wagon.
– La MIACA, première politique d’aménagement du littoral aquitain, 1967/1988 - GIP Littoral Aquitain
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