La création de la forêt landaise

Dernière mise à jour : 1er février 2023

La forêt de pin maritime est devenue aujourd’hui un archétype paysager landais, mais c’est un paysage mis en place à partir de la moitié du XIXe siècle. Lesgor

Aujourd’hui une des premières forêts d’Europe par sa superficie, la forêt landaise a presque entièrement été créée par l’homme sur d’anciennes landes pastorales.

  La fixation des dunes littorales

Pendant longtemps, les dunes mobiles ont constitué une menace pour les habitants de la côte aquitaine. L’avancée des sables gagnait de plus en plus loin à l’intérieur des terres, recouvrant des villages et des cultures. Les premiers travaux significatifs ont été entrepris par des seigneurs du Pays de Buch, qui entreprirent dès 1713 de fixer les sables mobiles en semant des pins à La Teste de Buch (Gironde).
Après avoir pris connaissances des précédentes réalisations, Brémontier, ingénieur des Ponts et Chaussées à Bordeaux de 1766 à 1802, reprit à partir de 1790, la technique de fixation du sable vif par des semis de pins dans des fascines d’oyat ou sous des couvertures de branchages, et obtint en 1801 un décret du gouvernement consulaire ordonnant le boisement de tout ce rivage.
En quelques décennies, sous l’impulsion de l’Etat, le littoral landais fut transformé, une forêt s’étendit sur une bande de 225 km de long et jusqu’à 7 km de large. Le rivage fut également modifié avec la formation d’un cordon littoral continu, fixé artificiellement en retenant le sable par des palissades, afin de protéger la forêt littorale.

Le cordon littoral fixé artificiellement en retenant le sable par des palissades, protège la forêt littorale qui s’étend sur une bande de 225 km de long et jusqu’à 7 km de large. Mimizan

  La Lande intérieure humide

Mais l’intérieur des Landes, grande plaine de sables provenant de la plate-forme littorale qui, poussés par les grands vents d’Ouest, ont fossilisé et obturé un réseau hydrographique déjà indigent, restait le domaine à peu près exclusif de sols maigres alternant sècheresse et humidité au-dessus d’un horizon imperméable de grès ferrugineux, l’alios, produit de la podzolisation des sables.
Cette vaste région était jusqu’au milieu du XIXe siècle un pays considéré comme désolé. « En hiver, les eaux s’étalaient en marécages ; en été, la lande devenait un désert sec où régnait la fièvre ».
Au XVIIIe et dans la première moitié du XIXe siècle, les rares terres de culture se localisaient autour des villages bâtis sur les versants des vallées, seuls à être à peu près convenablement drainés, avec des noyaux de culture permanente associant du seigle d’hiver, cultivé sur billons à l’abri de l’eau, et du millet d’été entre les billons. La lande, recouverte par les eaux et à peu près inaccessible en hiver, était parcourue en été. Après l’incendie de la végétation naturelle, fournissant des composts organiques pour l’engraissement des terres cultivées, et à la faveur de la baisse du niveau des eaux, des troupeaux de moutons étaient conduits sur la Lande par des bergers spécialisés montés sur de grandes échasses.
Des essais de cultures et d’élevages coloniaux, furent entrepris à la demande de Napoléon 1er : on tenta ainsi vainement les cultures de l’arachide et du cotonnier, et l’introduction des buffles en 1806 ou de camélidés.

  La percée de voies nouvelles

La circulation restait extrêmement difficile : l’absence de matériaux d’empierrement, en ce pays sableux, réduisait les routes terrestres à de simples pistes, inondables pendant l’hiver. Les pèlerins de Saint-Jacques-de-Compostelle traversaient le pays, mais non sans peine : « Quand nous fûmes dedans les Landes, Bien étonnés, Nous avions de l’eau jusqu’à mi-jambe De tous côtés ».
Cette circulation d’une extrême lenteur paralysait tout essor économique. La circulation n’empruntait réellement que l’itinéraire dit des Petites Landes, qui reliait la ceinture des agglomérations entourant la Grande Lande : Langon, Bazas, Roquefort, Mont-de-Marsan, Tarbes, Dax. Dans la première moitié du XIXe siècle, on chercha en vain des solutions dans les directions les plus diverses : projets de canaux de Bordeaux à la Midouze, de la Garonne à la Douze par la Baïse et la Gélise ; projet très sérieux d’acclimatement de chameaux dans la Grande Lande. Le conseil d’arrondissement de Bordeaux sollicitait le 26 juin 1833 l’établissement d’un haras de « chameaux de la grande espèce », et un petit convoi de cinq dromadaires arriva effectivement en 1836 à Mont-de-Marsan, pour être confié au juge de paix de Pissos !
Les travaux du chemin de fer de Bordeaux à Bayonne jouèrent un rôle décisif : ligne de Bordeaux à Dax en 1854 et à Bayonne en 1855, avec embranchement de Morcenx à Mont-de-Marsan et Tarbes en 1859, complété à partir de 1875-1880 par des voies d’intérêt local, ce qui permit la vente des produits au-dehors. C’était l’idée du financier Pereire : donner au pays un axe de circulation. On creusa, dès 1841, des fossés latéraux, pour évacuer l’eau vers les étangs du littoral. On construisit aussi des routes affluentes au rail, flanquées de fossés plus profonds que la croûte souterraine (ou « alios ») qui retenait l’eau.

  Le drainage et la plantation de la forêt landaise

A partir du XVIIIe siècle, les ensemencements de pins progressent malgré les réticences pastorales, les plantations sont réalisées par des communes ou des particuliers. Le commerce des goudrons issus de la résine est alors lucratif et stratégique pour la marine et des ordonnances essayent de régler la coexistence des pins et des pacages.
Au XIXe siècle, l’influence personnelle de Napoléon III apporte une impulsion décisive. Il acheta 8 000 hectares de terres au Nord de Morcenx (domaine qui prit le nom de Solferino) et fit voter les lois de 1857 et 1860 qui obligeaient les communes à assainir et boiser leurs landes en les contraignant à aliéner les parcelles susceptibles de culture. Un réseau de crastes long de 2 500 kilomètres permit d’assécher 300 000 hectares où la lande fit place à la nouvelle forêt.

Le développement de la forêt landaise : Pourcentage de forêts par rapport à la surface totale.
Source : Géographie historique de la France. Xavier de Planhol. 1988 (d’après les cartes de Perpillou, 1977)

L’assainissement du pays fut rapide, et la vente de quinine diminua des neuf dixièmes en quinze ans.
Le système traditionnel d’autarcie agraire landais mute alors rapidement vers une économie fondée sur la forêt et ouverte à l’industrie. Le boisement des terres agricoles est réalisé aux dépens du pacage des troupeaux et des droits d’usages collectifs et il provoque de nombreux troubles parmi les communautés paysannes ; les incendies malveillants furent nombreux dans les nouvelles plantations.

Au cours du demi-siècle suivant, se constitua une immense forêt de pins, de 850 000 hectares au total avec les forêts des dunes, qui, avec les quelques dizaines de milliers d’hectares de forêts de chênes qui existaient antérieurement, forme un bloc de plus de 900 000 hectares, le dixième de la superficie totale des forêts françaises.
Cet essor a été inséparable de celui des mines de houille de l’Europe septentrionale dont la forêt landaise a été le principal fournisseur de poteaux de mine à la fin du XIXe siècle. A cette première forme d’utilisation du bois succèdera la distillation de la résine : l’objectif de la forêt landaise a longtemps été de produire de la gemme, production qui disparaitra à la fin des années 1970.
Au fil des évènements du XXe siècle (incendies de 1940-49, défrichements agricoles des années 1960-70), le taux de boisement s’est stabilisé depuis les années 1980. Aujourd’hui, hormis sur le cordon littoral voué à la protection des dunes, la forêt de pin maritime a clairement un objectif de production de bois et elle alimente une filière de transformation importante.

  Sources

 Histoire de la forêt landaise, du désert à l’âge d’or. Jacques Sargos. 1997
 Géographie historique de la France. Xavier de Planhol. 1988
 Histoire de la France rurale. Sous la direction de Georges Duby et Armand Wallon. 1992 ; CRPF Aquitaine}

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