Lieu particulier : le Site d’Arjuzanx
Dernière mise à jour : 9 avril
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Auteur : Sophie LAUGAREIL, Directrice du Site d’Arjuzanx – Syndicat Mixte de Gestion des Milieux Naturels
Le site d’Arjuzanx (2 676 hectares) situé au sein du massif forestier dans le territoire de la Grande Lande, offre un paysage unique et préservé. Il se distingue par sa diversité écologique et ses caractéristiques naturelles reconnues aujourd’hui par un classement en réserve naturelle sur 2 205 hectares.
Une mosaïque de milieux
Le paysage d’Arjuzanx est singulier. Son intérêt intrinsèque et son originalité au sein du grand massif forestier qui occupe cette grande unité paysagère de la Grande Lande en font un lieu particulier. Il est dominé par un mélange harmonieux de milieux humides, de forêts et de vastes étendues de landes. Les 7 grands lacs du site ajoutent une touche de sérénité au panorama, à commencer par le lac d’Arjuzanx, le plus grand avec ses 147 ha, connu pour sa petite plage de sable et sa baignade aux eaux cristallines. Les plans d’eau jouent un rôle crucial dans l’écosystème, fournissant un habitat vital pour une variété d’espèces aquatiques comme la Loutre, le Campagnol amphibie, la Leucorrhine à front blanc ou encore le Fluteau nageant.
Les forêts qui recouvrent pour moitié la réserve créent un équilibre visuel avec des arbres tels que les pins maritimes, les chênes pédonculés et tauzins, les châtaigniers ou encore les aulnes dans les parties les plus fraîches. Ces boisements offrent des sentiers sinueux où les visiteurs peuvent se promener et apprécier la beauté naturelle du lieu. Ils forment aussi un écrin de protection à une myriade de mares appelées ici bassines.
Les landes, avec leur végétation basse caractéristique, étendent leurs couleurs changeantes sur le paysage. Par leurs vastes étendues, elles constituent des habitats de prédilection de nombreuses espèces remarquables telles que la Fauvette pitchou, le Fadet des Laîches, la Gentiane pneumonanthe ou encore l’Engoulevent d’Europe… Les vastes prairies ouvertes offrent des vues apaisantes, créant un contraste avec les zones plus boisées.
Le site d’Arjuzanx est également un site important pour la conservation de la faune. Les observateurs d’oiseaux peuvent y trouver une variété d’espèces, des rapaces aux oiseaux migrateurs, dont la très emblématique Grue cendrée, en passant par les passereaux nicheurs. Le site est un refuge pour de nombreuses espèces de criquets, papillons, reptiles, mammifères… contribuant significativement à la préservation de la biodiversité régionale.
L’ensemble des écosystèmes compose une mosaïque riche et contrastée où chaque élément constitutif joue un rôle essentiel. L’hiver, la présence des grues cendrées dans le ciel ajoute une dimension dynamique à la mosaïque. Leurs vols gracieux relient les différents éléments du paysage, soulignant la connectivité de ces milieux variés.
Le site a également une valeur géologique notable. Les anciennes carrières d’exploitation de lignite, qui ont laissé place à des lacs artificiels, ajoutent une dimension historique au paysage. Les plans d’eau, résultat d’une activité minière passée, sont aujourd’hui intégrés harmonieusement à l’environnement, créant des écosystèmes aquatiques riches en biodiversité.
En somme, le paysage d’Arjuzanx est une fresque animée qui marie habilement la nature préservée avec des éléments géologiques, historiques et écologiques uniques. Ce site offre une expérience immersive de la diversité naturelle locale, faisant du site d’Arjuzanx un lieu exceptionnel pour les amoureux de la nature et les curieux de la biodiversité.
Les grues cendrées
Au cours des saisons, le Site d’Arjuzanx devient le théâtre d’un spectacle naturel captivant lorsque les grues cendrées effectuent leur escale de la mi-octobre à la mi-février. Ces élégants oiseaux, aux plumes grises et au port majestueux, offrent tout l’hiver une animation particulière au ciel d’Arjuzanx.
Le site devient le lieu privilégié pour observer ces grandes migratrices. Les grues cendrées, par milliers, se rassemblent dans les zones humides, créant une symphonie de cris distinctifs qui résonne à travers le paysage. Leurs vols gracieux, souvent en formations impressionnantes, ajoutent une dimension sonore et visuelle unique à l’environnement. Le Site d’Arjuzanx est leur dortoir. Dans la journée, les grues cendrées peuvent être observées se nourrissant dans les grandes plaines agricoles aux alentours.
De la mine à la nature
La période d’exploitation minière à Arjuzanx remonte à plusieurs décennies (1959-1992). L’extraction du lignite, une sorte de charbon, a contribué à l’activité économique à l’échelle locale.
Des excavations à grande échelle (901 hectares) ont été entreprises par EDF pour extraire le lignite des couches souterraines. Ces mines ont laissé derrière elles des fosses qui, avec le temps, ont été remplies d’eau, créant les lacs artificiels qui caractérisent aujourd’hui le paysage d’Arjuzanx.
L’activité minière a eu un impact significatif sur le terrain, modifiant la topographie originale et entraînant des changements dans les écosystèmes locaux. Cependant, avec l’abandon de l’exploitation minière, le site a été progressivement reconverti en réserve naturelle. Les travaux entrepris par EDF pour remettre en état des terrains après exploitation visaient à restaurer et à préserver les habitats naturels tout en offrant une opportunité de revitaliser la biodiversité.
Ainsi, l’exploitation du lignite à Arjuzanx représente une phase importante de l’histoire industrielle de la région, laissant derrière elle un héritage géologique et écologique qui a été transformé pour promouvoir la conservation de la nature.
Des fossiles aux paysages du passé
Le lignite est une forme de charbon brun formée à partir de la matière végétale décomposée, généralement des restes de plantes, qui s’accumule dans des conditions anaérobies (absence d’oxygène) et de faible profondeur, comme dans les marécages ou les zones humides.
L’étude du lignite à Arjuzanx offre une fenêtre unique sur les paléopaysages, permettant d’explorer les écosystèmes anciens à travers les dépôts de lignite.
Les découvertes paléontologiques, en particulier celles liées à la faune et à la flore fossiles, jouent un rôle crucial dans la reconstitution des paysages anciens. La découverte d’une mâchoire de Dorcathérium dans les couches de lignite a ainsi permis de dater sa formation à l’époque du Miocène supérieur soit 11 millions d’année, alors que l’analyse des fossiles végétaux a permis de définir les conditions environnementales qui régnaient à l’époque.
Les paysages d’Arjuzanx étaient alors drapés dans une luxuriante parure de forêts subtropicales.
La région se caractérisait par une diversité végétale impressionnante, où une myriade d’arbres (essentiellement des conifères : Cyprès chauves, Séquoias géants…) avec des plantes et des buissons (palmiers, tulipiers, camphriers…) prospéraient sous un climat chaud et humide. La faune terrestre était également variée : des herbivores tels que des rhinocéros, des chevaux primitifs et d’autres mammifères parcouraient les sous-bois à la recherche de nourriture, tandis que des prédateurs tels que des carnivores à dents de sabre chassaient habilement leurs proies.
Des rivières et les lagunes parsemaient ce paysage offrant un environnement propice à l’accumulation de matière végétale provenant des plantes et des débris de forêt. Au fil des âges géologiques, des processus complexes ont transformé cette végétation luxuriante en lignite. La matière organique s’est enfouie, a subi la pression et la chaleur, devenant progressivement le charbon brun qui tapisse aujourd’hui les sous-sols d’Arjuzanx.
Ainsi, il y a 11 millions d’années, le Site d’Arjuzanx était le théâtre d’une nature florissante, où des forêts subtropicales créaient un tableau vivant de biodiversité et de splendeur végétale aujourd’hui disparues.
La valorisation du Site d’Arjuzanx
La politique de valorisation du site d’Arjuzanx par le Département des Landes à partir de son acquisition en 2002 a été marquée par un changement significatif dans l’approche envers ce territoire, passant d’une friche industrielle à une perspective de conservation et de valorisation écologique.
Dès lors, cet espace est géré et préservé dans le but de protéger la biodiversité, de sensibiliser le public à la nature et de favoriser les activités de plein air de manière durable. Des aménagements pour l’accueil du public sont alors réalisés :
- 3 points en libre accès sont aménagés sur le secteur Sud : les « portes » sur lesquelles des observatoires sont construits. Accessibles depuis l’extérieur de la réserve, les portes sont des ouvertures réalisées à travers lesquelles on peut observer ou expérimenter un paysage. L’accès y est limité pour protéger des écosystèmes fragiles ou des espèces menacées.
- porte de Rion-des-Landes sur la bordure ouest du site et accessible par une voie cyclable depuis le bourg de Rion-des-Landes. Au final, l’observatoire des Quatre Cantons offre une vision sur une portion du site et en particulier, l’île du lac qui accueille en hiver les grues cendrées.
- porte de Villenave sur la bordure est du site. Le parcours sinueux en forêt conduit le visiteur à une plateforme surélevée qui offre une vision panoramique sur le paysage (lande, lac des Agréous...). L’ambiance hivernale y est particulièrement intéressante lorsque le ciel se remplit du cri des Grues.
- observatoire de Bedade en bordure de la réserve pour assister au passage des grues en hiver au lever du jour ou au crépuscule. Facile d’accès, cet observatoire est très populaire.
- La tour d’observation, accessible en visite guidée, est construite au cœur de la réserve naturelle. Haute de 15m sur un point culminant à 101 m (côte NGF), cet ouvrage en pin maritime offre une vue panoramique. Quelle que soit la saison, la vue dégagée sur l’horizon y est époustouflante : les vastes masses d’eau, les grandes plaines, les boisements environnants… viennent composer un paysage marqué par la quiétude et la beauté naturelle. L’hiver, la présence des grues sublime davantage le lieu.
- Des itinéraires de promenades et de randonnées permettent de découvrir le lieu. Notamment le tour du lac du Commanday offre une expérience immersive au cœur d’un paysage naturel préservé. Le point de vue permet d’embrasser l’étendue totale du lac et de ses environs. La vue en hauteur devient spectaculaire au lever ou au coucher du soleil, lorsque les couleurs du ciel se reflètent dans les eaux calmes du lac.
En 2014, le site est aménagé pour créer des conditions d’accueil des visiteurs propres à leur permettre d’apprécier toutes les richesses naturelles de ce lieu, tout en valorisant les activités de pleine nature qui y sont proposées.
La requalification paysagère du site a débouché sur la création d’un véritable parcours de visite retraçant l’histoire du lieu à travers les différentes étapes de sa transformation mais permettant aussi de mieux comprendre l’évolution des végétaux, la formation du lignite et la transformation des paysages de la région. Réunissant des lieux de détente, des parcours de promenade, des sentiers de découverte, des espaces pédagogiques et des lieux d’hébergement, l’aménagement concourt à une valorisation écotouristique.
Le projet d’architecture et de paysage a été lauréat d’or en 2016 dans la catégorie Espace à dominante naturelle aux « Victoires du Paysages » (concours national qui récompense les maîtres d’ouvrage publics, les entreprises et les particuliers pour leur aménagement paysage).
L’aménagement repose sur plusieurs concepts :
– Une ligne dans le paysage : l’aménagement s’inscrit le long d’un grand axe paysager qui relie les deux rives du lac d’Arjuzanx et structure l’ensemble du projet. Cet axe dessine une perspective visuelle qui relie les différentes étapes de la visite : l’entrée, la Maison d’accueil, la descente vers la plage, le pavillon de l’eau et, au-delà vers la rive opposée du lac, le jardin du miocène. Le grand auvent dynamique du bâtiment appuie ce concept indiquant d’emblée la marche à suivre.
– L’invitation au voyage : l’idée prépondérante est celle d’un voyage dans le temps en explorant la genèse du lignite, élément clé dans l’évolution du site tel que le public le contemple aujourd’hui. À travers le récit, le public est invité à la découverte et au voyage « D’une rive à l’autre ». Les éléments architecturaux servent au projet : l’auvent, comme élément unificateur, signal et guide de la visite, la galerie d’exposition conçue comme une préparation au voyage, le pavillon de l’eau, presque en mouvement, à moitié sur la rive, à moitié sur l’eau, enfin la visée sur le lac qui permet de voir le Jardin du Miocène avec les parcours muséographiques de plein air et les reconstitutions paysagères du site tel qu’il a pu être il y a plusieurs millions d’année.
– Un Centre de Découvertes, une Maison de Site très ouverte sur le paysage, donnant envie de découverte in situ et présentant des messages simples, ludiques, accessibles à tous avec des supports attrayants : maquettes grande échelle, fresque narrative, film, animations, pièces à conversation… situé à la croisée des multiples parcours offerts sur le site.
– L’évocation à l’envol : l’architecture de la Maison de Site respecte le paysage très horizontal, composé de surfaces, le ciel, le lac, les reflets de l’eau et de lignes, les berges, les moutonnements du terrain, les lisières boisées, c’est-à-dire la morphologie naturelle du lieu. La légèreté et l’envolée des toitures amènent l’effet aérien voulu alors que la structure de l’édifice évoque les pattes des oiseaux migrateurs et les centaines de tasseau en bois au plafond de la galerie d’exposition, une nuée, un envol.
– L’esprit d’une maison : espace accueillant, ouvert, empreint d’un esprit de liberté, un lieu à fréquenter et à vivre dans toute sa diversité et ses ambiances chaleureuses, intimes et familières.
Une victoire du paysage
Le site d’Arjuzanx est une victoire du paysage, un témoignage de la capacité de la nature à se régénérer et de l’impact positif de l’intervention humaine dans la préservation de la biodiversité.
Après des décennies d’exploitation minière du lignite, le paysage d’Arjuzanx a été transformé de manière significative. Les anciennes carrières minières, une fois sources d’activité industrielle, sont devenues des lacs artificiels. Cette transformation a donné naissance à un paysage unique, mélangeant les vestiges de l’activité humaine avec la beauté naturelle.
Le site d’Arjuzanx est devenu au fil du temps un refuge vital pour de nombreuses espèces animales et végétales. Les lacs, résultant de l’activité minière passée, ont créé des habitats variés, propices à l’hivernage des Grues cendrées et à la diversité de la faune et de la flore.
Le site est devenu une destination prisée pour l’observation des oiseaux, en particulier des grues présentes par milliers. Cette affluence d’oiseaux migrateurs témoigne de la qualité écologique du site et souligne son rôle en tant que lieu de repos et d’alimentation crucial pour de nombreuses espèces.
Le site d’Arjuzanx a élargi son rôle en devenant un centre d’éducation environnementale. Les programmes éducatifs sensibilisent les visiteurs à la biodiversité locale, à la géologie du site et à l’importance de la conservation.
Le gestionnaire du site a adopté une approche de gestion durable, cherchant à restaurer les écosystèmes dégradés, à promouvoir la biodiversité indigène et à créer une harmonie entre les activités humaines et l’environnement.
La réussite du Site d’Arjuzanx en tant que victoire du paysage est également liée à son intégration réussie avec la vie locale. Les habitants, les élus locaux, les acteurs du tourisme, les entreprises locales… sont partie prenante dans la préservation de ce joyau naturel.
Ainsi, le site d’Arjuzanx incarne une victoire du paysage, démontrant comment une région autrefois marquée par l’activité minière peut se régénérer, offrant un habitat florissant pour la biodiversité tout en invitant les visiteurs à découvrir et à apprécier la nature.
Sources
– Réserve Naturelle Nationale d’Arjuzanx
– Rubrique Découvrir
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