Lieu particulier : l’Étang Noir
Dernière mise à jour : 30 avril
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Auteur : Stéphanie DARBLADE – Conservatrice de la Réserve Naturelle Nationale de l’Etang Noir
A l’origine…du sable et d’eau !
La réserve naturelle se situe dans le sud-ouest du département des Landes, entre les unités paysagères Maremne et Gosse-Seignanx, à proximité de l’Océan Atlantique. Elle se trouve à 20 km à l’Ouest de Dax, 100 km de Mont-de-Marsan, sur les communes de Seignosse et de Tosse, au centre d’un triangle matérialisé par les communes de Soustons, Hossegor et Saint-Vincent-de-Tyrosse. La réserve naturelle est localisée à l’interface de 2 sylvo-écorégions, dites des Dunes atlantiques et des Landes de Gascogne. Cette zone d’interface confère une identité forte au territoire avec des paysages caractéristiques d’étangs et de zones humides associées auquel l’ étang Noir appartient.
L’histoire commence donc au Secondaire avec le comblement du bassin gascon puis elle continue au Tertiaire par le dépôt d’épaisses séries sédimentaires. Des glaciations successives au Quaternaire vont entrainer une régression marine suite aux fixations d’énormes quantités d’eau par les inlandsis de la grande calotte. C’est dans ces conditions rigoureuses que les Landes vont devenir une grande plaine sableuse. A la fin de cette période glacière, le niveau de la mer va à nouveau s’élever, accentué par la fonte des glaciers continentaux (transgression flandrienne). De forts vents d’ouest vont alors remanier et transporter dans l’intérieur des terres les sédiments fluviatiles déposés au Tertiaire. La topographie est modifiée avec l’apparition des dunes. Le réseau hydrographique est alors désorganisé et en partie oblitéré par l’épandage sableux. A l’Holocène, la remontée de la mer ralentit et deux générations de dunes de formes différentes se mettent en place, parfaitement ordonnées par rapport au rivage : les dunes anciennes (de types paraboliques) et les dunes modernes. Ce sont ces grands cordons de dunes anciennes, constituant un blocage à l’écoulement des eaux, qui ont engendré la succession des plans d’eau landais et qui sont donc à l’origine de la création de l’étang Noir.
A partir des années 70 : aménagement touristique du littoral versus préservation des espaces naturels !
La création de la réserve naturelle nationale de l’étang Noir en 1974 est étroitement liée aux actions portées par la MIACA (Mission interministérielle pour l’aménagement de la côte atlantique créée en 1967. La première phase de travaux en 1970 de la création de la station balnéaire de Seignosse le Penon a favorisé une urbanisation « sur les dunes » et une importante emprise dédiée à la voirie donnant une grande place à la voiture. A la même époque, en 1973, la DATAR (Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale) publie le rapport Piquard « Littoral français, perspective pour l’aménagement », qui dénonce les problèmes posés par l’urbanisation du littoral. L’action portée par la MIACA va alors s’appuyer sur une alternance d’unités principales d’aménagement et de secteurs d’équilibre naturels. Elle amène ainsi chaque commune à maîtriser quantitativement et spatialement l’urbanisation avec des prescriptions de plus en plus restrictives à mesure que l’on s’approche du rivage. C’est dans ce contexte qu’en 1972 et 1974, les deux premières réserves naturelles d’Aquitaine sont créées : le Banc d’Arguin dans le Bassin d’Arcachon et l’Etang Noir dans le Sud des Landes.
Aujourd’hui, la réserve naturelle nationale de l’étang Noir
Un étang d’eau douce profond et sombre, une ceinture dense de boisements marécageux, une forêt plus sèche où poussent en mélange pins maritimes et chênes, des zones plus ouvertes de tourbières et de prairies humides … formant une mosaïque de paysages et d’ambiances, protégée au sein des 52 hectares du site.
La réserve naturelle a été créée le 2 juillet 1974 par arrêté ministériel notamment pour l’intérêt patrimonial de l’étang Noir et des habitats naturels des zones humides associées. Ces milieux sont reconnus comme emblématiques du patrimoine culturel et paysager typique des Landes d’avant les grands travaux relatifs à l’assainissement et la mise en culture des Landes de Gascogne, promulgués par Napoléon III et mis en œuvre par Brémontier.
Lorsque le visiteur emprunte la passerelle de découverte, il pense le plus souvent atteindre rapidement une étendue d’eau sombre. Mais il va tout d’abord traverser un paysage en fouillis végétal : la forêt marécageuse. Ce boisement se caractérise par un enchevêtrement des troncs et des branches généré par le chablis des arbres (Saule roux et Aulne glutineux), provoqué par les sols vaseux. Au fil des saisons, dans cette forêt humide, les niveaux d’eau varient et peuvent en hiver recouvrir la passerelle de bois. Au printemps et en été, le sous-bois devient très luxuriant, le vert domine et l’ombre apportée par le feuillage crée un tunnel qui accompagne jusqu’au bord de l’étang. C’est alors que le paysage s’ouvre et le visiteur accède à la luminosité renvoyée par le plan d’eau. La découverte continue avec une alternance des ambiances sombres et lumineuses, des sons de la Nature et des usages humains à proximité, des couleurs qui sont bien plus diversifiées que le laisse entendre le nom étang Noir. Dans ces milieux identitaires , vivent des espèces rares, communes, vulnérables, protégées, invasives, …et la réserve naturelle a pour mission de protéger, de gérer, de faire découvrir ce patrimoine.
Le sentier de bois long de 1,2km qui guide le visiteur est un bel aménagement pensé et réalisé dès le classement en réserve naturelle. Surélevé de 60 cm en moyenne, il serpente au sein de ce milieu humide en étant directement au contact de la nature avec un impact minimum sur le milieu (notamment par l’utilisation aujourd’hui de bois non traité et d’essences autochtones : pin maritime, chêne).
En 2024, le réaménagement des abords de la maison d’accueil et la mise en place d’une nouvelle scénographie repositionne le bâtiment comme un « sas » qui aide le visiteur à se « mettre en condition » : ralentir le pas, être curieux, observer, écouter, sentir… Au retour de la visite, ce même lieu permet alors de répondre aux questions, échanger, comprendre. L’accès depuis le parking à la maison d’accueil permet petit à petit de s’éloigner de l’ambiance urbaine, en avançant sur un chemin accessible aux personnes à mobilité réduite rendu perméable, et un linéaire de ganivelles qui coupe le visuel de la route passant à proximité. La réflexion globale s’appuie sur l’intégration du bâti (superficie restreinte et basse, ramassée comme une rainette en position mimétique) qui se trouve juste à l’entrée d’un marécage intrigant et ayant une architecture complexe, en fouillis.
Sources
– Réserve Naturelle Nationale de l’Etang Noir
– La MIACA, première politique d’aménagement touristique du littoral aquitain 1967/1988