Perceptions culturelles des Grands Lacs du Born

Dernière mise à jour : 1er août 2024

Hasard sans doute des lieux de villégiature, les paysages des Grands lacs du Born n’ont pas bénéficié comme le Bassin d’Arcachon ou les environs d’Hossegor, de représentations d’artistes reconnus. Si c’est à Mimizan que le journaliste Maurice Martin proposa en 1905 de baptiser à l’instar de la Côte d’Azur, « Côte d’Argent », le littoral d’Arcachon à Biarritz, ce n’est pas la portion de terres et de mer entre Sanguinet et Mimizan qui fut la plus décrite par les peintres ou les écrivains. Il n’empêche, la photographie et son mode de diffusion privilégié, la carte postale, du début du XXe siècle jusqu’aux années 1960 environ, a rendu largement honneur à ce territoire de grandes étendues d’eaux cernés par les bois et les dunes débouchant sur l’océan, avec pour nombre d’entre elles une esthétique digne de la peinture de paysage.

Félix Arnaudin (1844-1921), Mimizan, étang, pointe O., 25 mars 1897, tirage d’après plaque de verre photographique
Musée d’Aquitaine, Bordeaux, 93.12.796
 

Le photographe, ethnologue Félix Arnaudin dont l’œuvre de la vie fut de témoigner d’un paysage et d’une société, celle de la lande, avant sa disparition annoncée, ne s’est guère aventuré sur le littoral. Quelques-unes de ses images ont eu toutefois pour sujet les étangs (Mimizan, Cazaux-Sanguinet). Cette photographie du printemps 1897 de la rive nord-ouest de l’étang d’Aureilhan, la plus proche de son terrain d’étude, en fait partie. La forme de la rive en demi-lune, la ligne d’arbres qui la souligne et la barque qui anime la plage créent un paysage pittoresque, composition de nombreuses fois reprises par la suite par les photographes successeurs d’Arnaudin.

« Étangs landais. Masses d’eau en ribambelles placées comme un barrage électrique face aux vents du large (et de sable), mais dont on ne sait pas trop si c’est l’eau qui retient le sable ou le sable des dunes qui retient l’eau des étangs. »

Charles Daney, Dictionnaire de la lande française, du fond du Bassin au fin-fond de la lande, Loubatières, 1992

« […] On se dit qu’au-delà de ces solitudes de sable sont les étangs, solitudes d’eau, Sanguinet, Parentis, Mimizan, Léon, Biscarrosse, avec leur fauve population de loups, de putois, de sangliers, et d’écureuils, avec leur végétation inextricable, surier, laurier franc, robinier, cyste à feuilles de sauge, houx énormes, aubépines gigantesques, ajoncs de vingt pieds de haut, avec leurs forêts vierges où l’on ne peut s’aventurer sans une hache et une boussole ; on se représente au milieu de ces bois immenses la grand Cassou, ce chêne mystérieux dont le branchage hideux secoue sur toute la contrée des superstitions et les terreurs. On pense qu’au-delà des étangs, il y a des dunes, montagnes de sable qui marchent, qui chassent les étangs devant elles, qui engloutissent les piñadas, les villages et les clochers, et dont les ouragans changent la forme ; et l’on se dit qu’au-delà des dunes, il y a l’océan. Les dunes dévorent les étangs ; l’océan dévore les dunes. Ainsi, les dunes, les étangs, les dunes, la mer, voilà les quatre zones que la pensée traverse. On se les figure l’une après l’autre, toutes plus farouches les unes que les autres. »

Victor Hugo, Voyage - Alpes et Pyrénées, in : Œuvres complètes de Victor Hugo,
Librairie Ollendorff, 1910

  L’eau toujours présente

Sauf rares exceptions, l’eau sous toutes ses formes – la surface plane du lac, l’océan et les vagues, l’eau vivante des courants – est toujours le sujet principal des représentations des paysages des Grands Lacs du Born.

Les lacs : des figures pittoresques

« Juste en retrait des plages de la côte atlantique, les Landes abritent un ensemble unique de grands lacs aux eaux cristallines, bordés de plages de sable fin et entourés d’une forêt protectrice. C’est le paradis de la baignade, des loisirs nautiques, de la pêche et du farniente. Ici, tout respire le calme et la sérénité. »
Landes Attractivité : https://www.tourismelandes.com/

Aureilhan, L’Étang d’Aureilhan, près de Mimizan, carte postale, Editions Yvon, Neuilly, 1930-1940
Archives départementales des Landes, 1 Fi 63
 

D’inspiration toute picturale, cette très belle photographie d’avant la Seconde Guerre mondiale conforte le pittoresque des étangs landais : un premier plan cadré par des pins maritimes ouvrant sur le calme de l’eau du lac dont l’horizon est fermé par le volume de la forêt.

À gauche, Aureilhan, Un coin de l’étang d’Aureilhan, carte postale, Gautreau, Langon, entre 1920-1924 ; À droite, Mimizan-Plage, Vue sur le Lac, carte postale, Yvon, Paris, années 1970
Archives départementales des Landes, 1 Fi 62 et 1 Fi 667
 

A gauche, le paysage de l’étang d’Aureilhan dans une composition similaire à la précédente, plus récente. A droite, l’image qui date des années 1970 propose une vision moins graphique de l’étang pour une représentation plus proche des images de nature, la barque venant néanmoins affirmer son caractère anthropisé.

Les ports, la plage sur les lacs

Les images des ports, des plages au bord des lacs affirment la présence d’activités humaines importantes, économiques (bois, pêche) puis de loisir.

À gauche, Parentis-en-Born, Port de la Hitte, carte postale, Gaby Bessière, années 1910 ; À droite, Sanguinet, Vue prise sur les bords du Lac, carte postale, A. Dando, années 1910
Archives départementales des Landes, 1 Fi 3666 et 1 Fi 3772
 

Deux belles images de ports sur le lac de Biscarrosse, à gauche, et de Cazaux-Sanguinet, à droite. Datant toutes deux du tout début du XXe siècle, on y remarque la présence visuelle très forte de la forêt au seuil des berges des lacs et en encadrement de leurs horizons.

À gauche, Parentis-en-Born, Étang, le Port, carte postale, Pomeyreau phot., années 1910 ; A droite, Sanguinet, Une plage au bord du lac, 1965
Archives départementales des Landes, 1 Fi 2334 et 1 Fi 8188
 

La forêt, perceptible uniquement à l’horizon modifie vers plus de légèreté l’ambiance de ces deux ports. A gauche, la cabane du pêcheur, les barques traditionnelles, la naturalité du lac, rappellent la vocation économique et alimentaire de l’étang qui prévalait au début du XXe siècle. Alors qu’à droite, dans une vision moins harmonieuse, la carte postale du lac de Sanguinet avec sa vue sur une maison neuve en bord de la plage et sur une femme assise sur la berge au premier plan, témoigne de l’évolution en un demi-siècle de l’économie des étangs dirigée désormais vers le tourisme.

Images contemporaines : persistance des motifs
À gauche, Sanguinet, piste cyclable, webcam ; à droite, étang d’Aureilhan à Mimizan
Landes Attractivité
 

Dans ces deux images issues du site Internet du Comité départemental du tourisme des Landes, outre une réelle continuité des motifs et des ambiances représentées, on note la volonté de mettre en valeur les ambiances « naturelles » des lacs. L’image de gauche montre aussi que ces espaces sont accessibles à la balade, à pied ou à vélo.

L’eau qui court : une autre figure de premier plan

Tout le long du littoral landais, les petits fleuves ayant trouvé un passage à travers les dunes pour se jeter jusqu’à l’Océan (les courants) sont particulièrement valorisés dans les représentations. Cartes postales, œuvres picturales célèbrent cette eau qui coule au travers de la forêt avant d’atteindre la mer.

Le courant et le canal
Louis Amédée Baudit (1825-1890), Journée pluvieuse à Biscarrosse
Dessin de 1878, reproduit dans la revue l’Art, Écomusée de la Grande Lande.
Extrait du livre de Jacques Sargos, L’esprit des Landes : un pays raconté par l’art, Le Festin, 2010.
 

On ne sait pas précisément le site représenté par cette œuvre du peintre Amédée Baudit. Quoi qu’il en soit, teintée de japonisme, ce dessin exprime l’attention et la poésie attachée aux sites des courants landais.

À gauche, Mimizan-plage, un coin du courant vu de la passerelle, carte postale, sd ; à droite, Biscarrosse, le canal de Navarrosse, carte postale, 1962
Archives départementales des Landes, 1 Fi 9185 et 1 Fi 4940
 

Deux visions très différentes du courant. La première exprime un sentiment de nature et d’harmonie très fort (berges boisées, courant reflétant les cimes des arbres, absence de présence humaine) alors que la seconde, certainement plus récente et plus proche aussi sans doute de l’océan donne à voir quant à elle l’activité touristique intense le long du canal des Landes qui relie vers le nord l’étang de Biscarrosse et de Parentis au Petit étang de Biscarrosse puis à celui de Cazaux et de Sanguinet.

Images contemporaines : la nature
Le courant de Mimizan
Image extraite du site internet Le guide des Landes, 2021
 

Le courant de Mimizan est devenu désormais un site de détente et de loisirs (canoë, randonnée…). Les images touristiques diffusent une image de nature propice à ce genre d’activités.

  Le littoral

L’Océan

Les mouvements des grandes et hautes vagues, des cimes des arbres sous l’action du vent, du sable qui tourbillonne, des cerfs-volants et des surfeurs ou autres baigneurs qui plongent ou glissent au sommet des déferlantes singularisent la côte landaise en général et celle des Grands Lacs du Born en particulier.

Gaston Larrieu (1908-1983), Côte landaise à Mimizan, Plaisir du livre éditeur, 1975
Archives départementales des Landes, 27 FI 7

 
La peinture de Gaston Larrieu, par sa dynamique, évoque parfaitement le mouvement constant qui anime la côte landaise, celui des vagues, des baigneurs, du vent et du sable des dunes.

 
Mimizan-Plage (Landes). Coucher de Soleil / Collect. Veuve J. Dupau. - Langon (Gironde) : Edition A. Gautreau, années 1910 ; Mimizan-Plage (Landes). Coucher de soleil sur l’Océan, Edition Yvon, Paris, années 1970
Archives départementales des Landes, 1 Fi 655 et 1 Fi 666
 

Le coucher de soleil sur l’océan est un grand classique de la carte postale. Le noir et blanc donne une certaine noblesse au genre et permet ici de valoriser l’immensité de la plage et la beauté du rivage.

La dune, la plage et l’océan

Biscarrosse, La plage, vue de la dune, carte postale, sd
Archives départementales des Landes, 1 Fi 5399

 
La dune, la plage, l’océan : le triptyque iconique du littoral landais apparaît ici, dans cette carte postale des années 1960-70, dans toute son évidence.

 

 

La forêt, la ville balnéaire, la dune, la plage et l’océan

Biscarrosse, Vue aérienne, photo aérienne, sd
Archives départementales des Landes, 1 Fi 6141

 
La vue aérienne des années 1950-60 permet de compléter le triptyque emblématique du littoral landais avec deux autres éléments qui lui succèdent vers l’intérieur des terres : la ville balnéaire installée sur la dune encore vive longeant la côte et, derrière elle, la grande masse sombre de la forêt qui conclut la structure du paysage.

 

 

Images contemporaines : la plage, la vague

L’immensité et le vide sont les identifiants contemporains de la côte landaise vue à hauteur d’homme. L’estran, les déferlantes, avec ou sans baigneur ou surfeur en sont les motifs récurrents.

La plage de Biscarrosse
Landes Attractivité

 

 

 

  La ville balnéaire

Des premières images des maisons construites sur le sable des dunes semblant flotter au-dessus de l’estran aux photos aériennes des années 1960 figurant la ville se construisant et s’adaptant pour le tourisme de masse, les représentations urbaines ont perdu une partie de leur charme au rythme des années. Aujourd’hui, la ville n’est plus en soi un objet de représentation, exception faite de quelques objets architecturaux remarquables représentés isolément de leur contexte.

Mimizan, La Dune, Vue prise du bord de la Mer, carte postale, F. Bernède, vers 1905 ; Mimizan, Perspective vers la ville d’hiver, carte postale, Editions Yvon, Paris, années 1970
Archives départementales des Landes, 1 Fi 2740 et 1 Fi 663
 

C’est à Mimizan et en 1905 que le journaliste Maurice Martin proposa de baptiser la côte atlantique d’Arcachon à Biarritz « Côte d’Argent » ; la même année que la carte postale de gauche où déjà depuis deux décennies la ville était progressivement aménagée pour accueillir la bourgeoisie locale, puis grâce au chemin de fer, des touristes venus de plus loin. Les maisons et autres bâtiments sont construits directement sur la dune donnant aux édifices un sentiment d’extrême légèreté.
La carte postale de droite montre la « ville d’hiver » construite à partir des années 1880 entre dunes et pins qui ménage des ambiances agréables bien loin des aménagements des années 1970 et 1980, date de la carte postale.

Biscarrosse, vue aérienne, carte postale, sd ; Biscarrosse, vue aérienne, carte postale, 1996
Coll. part. et Archives départementales des Landes, 1 Fi 6147
 

Les années 1970 à 1990 peuvent encore valoriser des types d’aménagement balnéaires qui aujourd’hui seraient décriés : barres d’immeubles sans caractère, immenses parkings, routes à plusieurs voies pour gérer les flux de l’intérieur vers la plage et la mer.

Images contemporaines

Raymond Depardon, Biscarrosse-Plage, 2011
La France de Raymond Depardon, exposition à la Bibliothèque nationale de France, 2011, © Raymond Depardon
 

Le regard de Raymond Depardon sur la France contemporaine se pose dans cette image sur la ville balnéaire de Biscarrosse-Plage. Dans cette photo très travaillée, la silhouette massive de la forêt dont on devine l’ample ondulation à l’horizon est seule à rappeler que la photo est prise sur le littoral landais. Tous ses autres attributs géographiques - la plage, l’océan, les dunes, les pins - ont été ignorés au profit de l’appréhension de l’agencement banal et pourtant unique des objets et des constructions dans la ville.

  Une curiosité cachée : le pétrole landais

Parentis-en-Born, Puits P 11 en cours de montage, carte postale, 1955
Archives départementales des Landes, 1 Fi 8161

 
Le derrick, la station de pompage, installés au bord de l’étang de Parentis constituent des objets insolites dans l’univers des étangs landais. Alors que dans les années 1950, leur représentation pouvait être valorisée comme un élément de modernité et de développement, aujourd’hui, leurs figurations sont extrêmement rares.

A gauche, Le puits de pétrole, un forage près de Parentis-en-Born, sd. A droite, Parentis-en-Born ; Les activités pétrolières, photographie, sd
http://landesenvrac.blogspot.com ; https://www.vermilionenergy.fr/
 
A gauche, le puits de pétrole, un forage près de Parentis-en-Born (Landes), photographie, sd. A droite, Parentis-en-Born ; Les activités pétrolières, photographie, sd
Collection de vues aériennes Lapie, Archives départementales des Landes, 44 FI 20 et 200073 FI 20
 

Le puits de pétrole peut être un marqueur positif du paysage en ce qu’il offre la possibilité d’imaginer les ressources cachées de son socle. La photo aérienne, en revanche, met à jour seulement l’emprise des installations sur le territoire. On remarquera aussi la présence d’une grande serre de tomates chauffée gratuitement par l’entreprise pétrolière qui fournit les calories de l’eau extraite du sous-sol en même temps que le pétrole. Image de l’évolution et de la valorisation aussi des ressources énergétiques des Landes et de la complémentarité de projets éco-responsables.