Perceptions culturelles de la Maremne

Dernière mise à jour : 2 février 2023

Estuaire de l’Adour, gouf et surf, stations balnéaires de Soorts-Hossegor, Capbreton, étangs, dunes, pignadas, horizon des Pyrénées… la Maremne (dont le nom viendrait de pinus maritimus, pin maritime) concentre les principaux emblèmes du rivage landais. En outre, cet extrême-sud du littoral départemental a joui entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe de l’attention de peintres régionaux de renom comme Louis-Auguste Auguin, Alexis Lizal ou encore Jean-Roger Sourgen. Leurs œuvres, en magnifiant la composition graphique du miroir d’eau des lacs, des dunes, des pins, ont bénéficié d’un succès critique et populaire qui ne s’est jamais démenti, et leur influence est tangible dans l’établissement des valeurs paysagères de la Maremne. Pourtant, cet idéal paysager et de nature ne concerne qu’en partie l’unité de paysage dont l’espace, marqué par les transformations de l’urbanisme et le tourisme, n’est documenté que par les photographies aériennes qui se sont imposées dans le fonds des cartes postales depuis le milieu et jusqu’à la fin du XXe siècle. Quant aux images plus récentes, elles font la part belle aux loisirs balnéaires.

Jean-Roger Sourgen (1883-1978), Les dunes à Hossegor, sd
Reproduction extraite de : Émilie Sirieyx de Villers, Le peintre landais J.-R. Sourgen, préface de Francis Jammes, Librairie D. Chabas, 1931. Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque de l’INHA / coll. J. Doucet
 

« Un magicien qui sort de son creuset, pour les mettre sur sa palette, la gamme des étangs métalliques avec leurs sarcelles, leurs canards sauvages, leurs tanches ; les pierres en fusion de la mer toute proche ; le scintillement presque insoutenable de la dune à midi ; l’indigo du ciel ; les nuages épais, qui en s’accumulant, semblent continuer dans le crépuscule la lande, ou la reproduire — tel est Sourgen.  »

Francis Jammes, Préface au livre d’Émilie Sirieyx de Villers, Le peintre landais J.-R. Sourgen, Librairie D. Chabas, 1931

Louis-Auguste Auguin (1824-1903), Le matin dans les dunes de Labenne, 1887
Musée de l’Échevinage, Saintes

Vers le sud, les Pyrénées constituent le fond des paysages du littoral de Maremne. Dans cette œuvre, Louis-Auguste Auguin peint, dans une composition complexe où se mêlent dunes, lande marécageuse et horizon brumeux, une nature sauvage, dans une palette à la fois sombre et froide, peu complaisante.

 

 

  Motifs de nature

Le « triptyque » des peintres : la dune, le lac, le pin

Alexis Lizal (1878-1915), Cap-Breton, 1902
Musée de Borda, Dax

Cette représentation de dunes à Capbreton n’identifie pas particulièrement la côte de Maremne, mais en souligne les composantes majeures et identitaires : l’océan, le ciel, la dune, les pins maritimes dont certains sont gemmés. La qualité du tableau tient beaucoup à la palette des couleurs utilisée par l’artiste qui accentue le contraste entre les arbres et la dune colonisée peints dans les tons bruns-verts, et les camaïeux de bleus et de blancs du ciel, des dunes, du rivage et de l’océan. Le peintre offre ici en un condensé savant et évocateur des atmosphères littorales landaises.

Pierre-Gaston Rigaud (1874-1939), L’étang d’Hossegor, 1930
Musée de Borda, Dax
 

Pins maritimes colonisant la dune au premier plan puis scandant l’étendue horizontale de l’étang, horizon boisé de la rive qui fait face déclinent la représentation iconique de l’étang littoral landais, et plus particulièrement des environs d’Hossegor, dans une composition ternaire et musicale.

« Les dunes boisées qui l’entourent [le lac d’Hossegor] font le cadre naturel que ne peuvent suppléer les seuls décors factices. Le rythme des marées y renouvelle l’eau de mer et les effluves salines épanchées sur les rives. Les villas, les chalets bâtis à quelques pas du bord entre les feuillages d’ornement, ou sous les pins le long des routes en lacets tracées sur la pente des dunes, la piste et le parapet du pourtour, enfin les calmes reflets de la surface, donnent l’illusion d’une immense pièce d’eau dans un parc entretenu.  »

G. Cazaux, Voyage dans les Landes et sur le littoral de Gascogne : notes de voyage, Imprimerie J. Bière, 1932

Pierre-Gaston Rigaud (1874-1939), Hossegor le lac, 1912
Musée de Borda, Dax

 
Dans cette version plus ancienne du lac de P.G. Rigaud, les pins, leur port, leur houppier envahissent l’espace de la toile sur fond de ciel bleu. Le lac, dans un bleu plus soutenu, est relégué au loin, dans un deuxième plan, moins accessible.

 
Pierre-Gaston Rigaud (1874-1939), Hossegor, l’étang blond, 1928
Image extraite du site internet Artnet

 
Les grands panoramas sont assez rares dans les peintures de paysages des Landes. Le tableau de Pierre-Gaston Rigaud propose ici une vue sur l’ensemble du paysage de l’étang d’Hossegor. Le regard du peintre, dirigé vers le sud, embrasse le plan d’eau aux reflets de ciel jusqu’aux Pyrénées, lointaines et brumeuses à l’horizon. Autour, l’enveloppe de l’étang : des dunes hautes et boisées au premier plan, sur la rive en face, le jaune lumineux d’une plage contrastant avec la forêt, masse dense et compacte. Tout à fait devant, sur la gauche, des pins érigés cadrent l’ensemble de la composition et guident le regard vers le fond du lac et l’horizon.

 
Jean-Roger Sourgen (1883-1978), L’étang blanc, sd
Reproduction extraite de : Émilie Sirieyx de Villers, Le peintre landais J.-R. Sourgen, préface de Francis Jammes, Librairie D. Chabas, 1931. Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque de l’INHA / coll. J. Doucet
 

L’Étang blanc de Jean-Roger Sourgen met encore et toujours en scène les éléments iconiques de l’étang landais (le miroir d’eau, les rives bordées de pins maritimes, la masse houleuse de la forêt) qu’il a contribué à créer. Son tableau qui figure l’Étang blanc, plus rarement représenté que l’étang d’Hossegor, se distingue malgré son aspect décoratif, par son atmosphère sans affectation de calme, de douceur et d’intimité.

 

Reprise et disparition du triptyque dans la photographie et la carte postale

Jusque dans les années 1970, les cartes postales se font toujours les révélateurs des ambiances des étangs du littoral de la Maremne qui semblent rester immuables quelles que soient les transformations qui puissent les affecter. Ce type de mise en scène picturale des paysages des lacs semble moins avoir de succès depuis.

Emile Vignes (1896-1983), Vue de Capbreton depuis Hossegor, sd
Fonds Emile Vignes, Ecomusée de Marquèze, Sabres (image publiée en 2020 sur la page Facebook de l’Écomusée de Marquèze)

 
Une mise en scène à la fois douce, construite et « animée » du paysage de Capbreton et d’Hossegor par le photographe « landais », Emile Vignes.

 
À gauche, Soorts-Hossegor, Étude artistique sur le lac, carte postale, sd ; à droite, Soorts-Hossegor, Le fond du Lac, carte postale, Editions Yvon, Paris, années 1970
Archives départementales des Landes, 1 Fi 4731 et Fi 1325
 
À gauche, Soorts-Hossegor, Le bout du Lac, entre 1900 et 1940 ; à droite, Soorts-Hossegor, Le Lac cerné par une magnifique forêt de pins, années 1970, cartes postales, Editions Yvon, Paris
Archives départementales des Landes, 1 Fi 1 Fi 1347 et 1 Fi 1331
 

Jusque dans les années 1970, un grand nombre de photographes de cartes postales s’inspirent des compositions des peintres d’Hossegor et de ses environs et contribuent ainsi à fixer les valeurs des paysages des étangs de la Maremne.

 

  Plages et lieux de villégiatures

Ce sont les cartes postales du début du XXe siècle qui montrent le mieux la manière dont ont été anthropisées les dunes littorales pour la villégiature et le tourisme.

Les constructions sur les dunes, près du rivage

À gauche, Capbreton, Fronton de la Côte d’Argent et annexe du Sanatorium, Bernède Ferdinand, Arjuzanx, années 1910 ; à droite, Capbreton, la Plage, Editions CAP, Paris, années 1970
Archives départementales des Landes, 1 Fi 159 et 1 Fi 184
 

Ces deux cartes postales montrent la prise de possession des dunes côtières par les constructions. À gauche, le fronton et les bâtiments qui le jouxtent semblent en 1910 avoir été posés à même sur le sable, sans autre précaution. La carte postale de 1970 montre une urbanisation plus organisée et jointive sur la première dune.

 

L’estacade à Capbreton, un élément iconique du paysage de la cité balnéaire

La jetée en bois qui s’avance de presque 200 m sur l’océan est un emblème de la ville balnéaire, maintes fois représenté. Détruite durant la Seconde Guerre mondiale, elle a été reconstruite quasi à l’identique.

À gauche, Capbreton, L’Estacade et les vagues perpétuelles, Marcel Delboy, Bordeaux, années 1940-50 ; à droite, Capbreton L’estacade, la plage, le Bourret et le port de plaisance, sd
Archives départementales des Landes 1 Fi 211 et 1 Fi 7708
 

La jetée qui s’avance dans l’océan est un élément identitaire des représentations de Capbreton.

 
Gaston Larrieu (1908-1983), L’estacade de Capbreton, Plaisir du livre éditeur, 1975
Archives départementales des Landes, 9 FI 54

 
Le peintre Gaston Larrieu s’est aussi emparé du motif de la jetée de Capbreton prise dans le mouvement du vent et des vagues.

 

 

Une curiosité disparue : Capbreton et les vignes sur les dunes de la plage

À gauche, Capbreton, Une vigne sur les dunes,Ferdinand Bernède, Arjuzanx, vers 1905 ; à droite, Capbreton, plage, vignobles et vue d’ensemble, Edition Cazenave et Dubosq, vers 1905
Archives départementales des Landes 1 Fi 2729 et 1 Fi 3140
 

Au début du XIXe siècle, les vignes installées sur les dunes tout près du rivage sont une curiosité digne de représentations. Disparues du rivage, il ne reste aujourd’hui de cette curiosité paysagère qu’un nom « Les vignes » donné à un quartier de la ville. Le vignoble de sable relancé en 1995 sur le territoire communal, couvre aujourd’hui 5 ha, en arrière de la côte.

 
Étiquette de bouteille de vin des sables, Capbreton, 2022
Image extraite d’Internet

 
L’étiquette des bouteilles de vin de Capbreton issu des « dernières vignes du vignoble historique » joue avec la douceur des formes des dunes. Pour évoquer le vin produit, la jetée de l’Estacade, élément identitaire s’il en est. Le paysage évoqué est restreint ici aux dunes et à l’océan.

 

 

Les maisons dans les pins

Les maisons de style basco-landais disséminées dans les pinèdes identifient les paysages du littoral de la Maremne, plus particulièrement de Soorts-Hossegor. Les cartes postales de l’entre-deux guerre leur font la part belle et contribuent à en faire un caractère d’identification du paysage balnéaire.

Soorts-Hossegor, Les villas au bords du lac, sd
Archives départementales des Landes, 1 Fi 5182
 

L’emprise urbaine des stations balnéaires

Seules les vues aériennes témoignent aussi de l’emprise des installations touristiques des stations balnéaires.

« Hossegor : je t’ai connue si jeune ! j’avais six ans ; cependant je revois ce paysage étrange, il faisait chaud, l’étang était d’un bleu de cobalt, tout était nostalgique et désertique, étang mystérieux condamné par Dieu à vivre seul avec les oiseaux. Hélas ! La terrible et effroyable civilisation est arrivée. D’abord un minuscule petit train débonnaire dont la locomotive hennissait gaiement enrubannant de fumée les fûts de pins, puis aujourd’hui, plus de sable, plus d’oiseaux, des routes noires encombrées de toutes sortes de véhicules infernaux… Adieu ta beauté ! »

Jean-Roger Sourgen
Cité in : http://www.artnet.fr/

À gauche, Capbreton, L’océan, la plage, le port, le canal et le lac, au premier plan le C.E.R.S, sd ; à droite, Seignosse, Côte Aquitaine, photo aérienne, Editions Yvon, Paris, sd
Archives départementales des Landes, 1 Fi 7715, 1 Fi 8715
 

Ces deux vues aériennes témoignent des emprises et des organisations urbaines balnéaires sur la côte de la Maremne. À Capbreton, outre le port, la vue aérienne montre l’importance dans le paysage des digues pour la protection du rivage.

 

  À l’arrière du littoral

Les routes plantées

Dans l’ensemble des représentations anciennes, les vues traditionnelles des villages valorisent, quand elles existent, les plantations d’alignement le long des routes, notamment quand elles sont d’une taille ou d’une forme exceptionnelle.

À gauche, Bénesse-Maremne, la route d’Angresse dans les chênes-lièges, Edition Bathurt, sd ; à droite, Ondres, Splendide rangée de platanes sur les bords de la route nationale, entre 1910 et 1920
Archives départementales des Landes, 1 Fi 9373, 1 Fi 2318
 

Ces deux images montrent l’importance esthétique et paysagère des plantations d’alignement des villages à l’arrière du littoral. À gauche, l’alignement est constitué de chênes-lièges, autre arbre emblématique, avec le pin maritime, de la Maremne.

 

Vues aériennes : seules représentations modernes de l’arrière littoral

Si on excepte les vues aériennes de la fin du XXe siècle, déjà datées, quelques images actuelles d’ambiance de forêt et des images des étangs, le paysage de l’arrière-littoral de la Maremme est quasi-absent des représentations.

À gauche, Seignosse, vue panoramique aérienne, Editions aériennes Combier imp., années 1970 ; à droite, Labenne, Le centre de Labenne sur la route nationale n°10, 1973
Archives départementales des Landes, 1 Fi 1306 et 1 Fi 8128

Ces vues aériennes des années 1970 montrent un arrière-littoral de clairières cultivées, de villages en train de se développer et l’horizon de la forêt.

 

  Images contemporaines : un idéal de nature

Les images contemporaines restent pour les étangs dans la tradition de celles du début du XXe siècle où dominent calme et ambiances de nature. Pour le rivage, c’est l’idée d’immensité et d’ineffabilité qui est mise en valeur aux côtés des représentations dédiées aux loisirs et au sport (surf, voile sous toutes ses formes…) La forêt est bien présente dans les sites internet de tourisme.

Seignosse, Réserve naturelle nationale de l’Étang Noir, 2022
Image extraite du site internet de Seignosse tourisme
 
Capbreton, Soorts-Hossegor, plage « La Sud »
Image extraite d’internet (Flickr – David)

 
Une image intéressante de la pratique sportive qui n’est pas représentée « hors sol ». Ici le paysage magnifié par l’horizon pyrénéen, est le décor majestueux des vagues et de la glisse aérienne des surfeurs.